Les femmes et la transition verte en Afrique de l’Ouest

Intégrer l’égalité des sexes pour la durabilité

Résumé

Cette note de synthèse examine, à partir de la littérature grise et des résultats des recherches dans le cadre de l’initiative Croissance de l’Economie et Débouchés Economiques des femmes (CEDEF) en Afrique de l’Ouest, l’intersection critique entre l’autonomisation économique des femmes et la transition verte en Afrique de l’Ouest, en soulignant le rôle essentiel que jouent les femmes dans le développement durable de la région. Alors que les nations d’Afrique de l’Ouest sont confrontées aux défis interdépendants du changement climatique et de l’inégalité socio- économique, il est de plus en plus évident que la promotion de l’égalité des sexes est essentielle pour assurer une transition verte réussie. Les femmes, en particulier celles des zones rurales, sont en première ligne de la gestion des ressources naturelles, de l’agriculture et des économies locales, ce qui les place au cœur du renforcement de la résilience face aux impacts climatiques et de la promotion d’une croissance durable.

Les résultats de cette analyse démontrent que lorsque les femmes disposent des outils et des ressources appropriés, elles peuvent devenir la force motrice de la transition verte. Des programmes tels que Solar Sister au Nigéria, qui permet aux femmes de devenir des entrepreneurs solaires, ont montré que l’autonomisation des femmes peut conduire à des changements transformateurs dans leurs communautés. Cependant, des écarts importants entre les hommes et les femmes en matière de politique, de financement et de prise de décision subsistent, en particulier dans les zones rurales, où les femmes se heurtent à des obstacles considérables pour accéder aux mécanismes de financement verts.

En outre, leur participation aux rôles de direction qui façonnent les initiatives d’économie verte reste limitée. Un autre obstacle important identifié dans ce rapport est l’influence des normes sociales sexistes. Ces normes limitent la capacité des femmes à développer leurs entreprises ou à s’engager pleinement dans les secteurs de l’économie verte. De nombreuses femmes sont obligées de concilier leurs aspirations professionnelles et leurs charges de soins non rémunérés, ce qui limite souvent leur participation à des initiatives vertes qui exigent des engagements à long terme, comme les projets d’énergie renouvelable ou l’agriculture intelligente face au climat. Ces attentes sociales entravent le plein potentiel des femmes, même lorsqu’elles bénéficient d’un soutien financier et technique.

L’analyse souligne la nécessité de relever ces défis en renforçant les systèmes financiers sensibles au genre, conçus pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises vertes dirigées par des femmes. Il s’agit notamment de promouvoir l’accès au capital pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables et de l’agriculture durable. Il est également nécessaire d’améliorer la mise en œuvre des politiques afin de garantir que le genre soit pleinement intégré dans les politiques relatives au climat et à l’économie verte. Cet objectif peut être atteint en impliquant plus activement les femmes dans les processus de prise de décision, tant au niveau national que local. Il est également essentiel d’étendre les programmes de développement des compétences vertes. Cela permettrait aux femmes, en particulier dans les zones rurales, d’acquérir l’expertise technique nécessaire pour travailler dans des secteurs tels que la technologie solaire, l’agriculture durable et la gestion des déchets.

En conclusion, cette synthèse souligne que l’autonomisation des femmes est essentielle à la réussite de la transition verte en Afrique de l’Ouest. De même, leur implication dans la chaîne de valeur des technologies vertes fait de la transition écologique un catalyseur essentiel de l’autonomisation des femmes.


En comblant les lacunes actuelles en matière de politique, de financement et de développement des compétences, tout en favorisant la collaboration entre les gouvernements, les organisations internationales et les communautés locales, la transition verte sera à la fois inclusive et durable. En donnant aux femmes les moyens d’agir, l’Afrique de l’Ouest peut non seulement accélérer les progrès environnementaux, mais aussi créer un avenir plus juste, plus équitable et plus résilient pour l’ensemble de la région.

Introduction

L’Afrique de l’Ouest présente un potentiel socio-économique, reposant sur plusieurs piliers :i) une population jeune et dynamique, représentant une main-d’œuvre en expansion et un marché de consommation en plein essor : ii) des ressources naturelles abondantes et diversifiées, offrant des perspectives économiques prometteuses ;iii) un secteur des services en pleine croissance et une urbanisation accélérée, qui stimulent l’économie et créent des emplois. Cependant, la région est confrontée à un ensemble complexe de défis socio-économiques, environnementaux et politiques.

La région ouest-africaine abrite des économies et des cultures diverses, mais elle reste marquée par des taux élevés de pauvreté, d’inégalités et de chômage. Nombre de ses pays doivent faire face à des systèmes de santé et d’éducation fragiles, à un faible accès aux services essentiels, ainsi qu’à des structures économiques insuffisamment diversifiées. En outre, des facteurs de vulnérabilité tels que l’insécurité alimentaire, des taux de mortalité élevés et l’endettement accru exacerbent ces défis. Par exemple, le taux de pauvreté au Nigéria oscille autour de 40 %, avec environ 83 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, tandis que le Sénégal et la Côte d’Ivoire font également face à des inégalités socio-économiques qui affectent particulièrement les populations rurales (Deinne, 2023 ; Minteh, 2016). Ces problématiques sont aggravées par l’instabilité politique et l’insécurité, notamment dans des régions comme le nord du Nigéria et le Burkina Faso, où les conflits liés au terrorisme et la pénurie de ressources ont accentué la fragilité des contextes socio-économiques (Debrah, 2021).

Parallèlement, l’Afrique de l’Ouest est particulièrement exposée aux effets du changement climatique (Baarsch et al., 2020). La hausse des températures, l’irrégularité des précipitations, la désertification et l’érosion côtière représentent des menaces majeures pour des économies essentiellement agricoles et pour la sécurité alimentaire régionale. Par exemple, au Sénégal et au Ghana, le changement climatique a entraîné d’importantes modifications des régimes pluviométriques, affectant directement la production agricole et rendant les communautés rurales plus vulnérables à l’insécurité alimentaire (Yobom, 2020 ; Addaney et al., 2021). Ces pressions environnementales nécessitent une action urgente, et c’est là que le concept de « transition verte » prend toute son importance. La transition verte désigne le passage systémique vers des pratiques de développement durable, mettant l’accent sur les énergies renouvelables, l’agriculture durable et la résilience climatique (Tippa & Amodekar, 2024). L’Afrique de l’Ouest, avec son potentiel solaire abondant, ses sources d’énergie éolienne encore inexploitées et son besoin urgent de pratiques agricoles résilientes face au climat, se trouve à un tournant décisif. Une transition verte réussie pourrait non seulement relever les défis environnementaux, mais aussi offrir de nouvelles opportunités économiques, contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté et à une croissance durable.


Cependant, la réalisation d’une transition verte ne constitue pas seulement un défi technique ou économique ; elle est également étroitement liée à l’équité sociale, en particulier à l’égalité des sexes. Les femmes d’Afrique de l’Ouest, qu’elles vivent en milieu rural ou urbain, ont toujours été confrontées à des obstacles systémiques entravant leur participation économique et leur représentation politique. Dans de nombreuses communautés, les femmes continuent d’être touchées de manière disproportionnée par la pauvreté, l’accès restreint à l’éducation et le fardeau du travail domestique non rémunéré. Ces défis sont amplifiés dans les zones rurales, où les structures patriarcales et les normes socioculturelles cantonnent souvent les femmes à l’agriculture de subsistance ou au travail informel, offrant peu de perspectives d’émancipation économique ou de mobilité sociale ascendante. Pourtant, l’implication des femmes dans l’économie verte représente une opportunité de transformation profonde. Avec des politiques, des investissements et des systèmes de soutien appropriés, les femmes peuvent jouer un rôle clé dans la transition verte, en contribuant activement à des secteurs tels que les énergies renouvelables, l’agriculture durable et les efforts d’adaptation au climat. Par exemple, des programmes menés au Nigeria et au Ghana ont démontré que permettre aux femmes d’accéder au secteur de l’énergie solaire, en tant que techniciennes, cheffes d’entreprise ou défenseures des politiques publiques, peut avoir un effet catalyseur sur le développement global des communautés. De même, au Burkina Faso, des initiatives portées par des femmes dans le domaine des pratiques agricoles durables ont renforcé à la fois la résilience économique et la durabilité environnementale (Lestari & Yuwana, 2023).

Objectif


Cette troisième note de synthèse du projet CEDEF Afrique de l’Ouest explore l’intersection entre l’autonomisation des femmes et la transition verte en Afrique de l’Ouest. En analysant les défis socio-économiques, les inégalités de genre et les opportunités émergentes dans l’économie verte, la note vise à souligner le rôle crucial que joue l’égalité des sexes dans la réalisation du développement durable dans la région. L’accent mis sur les femmes n’est pas accessoire, mais constitue un levier central pour l’avenir durable de l’Afrique de l’Ouest ; les évidences ont montré que l’autonomisation économique des femmes est un moteur clé de la croissance économique, de la gestion environnementale et du progrès social. Ce focus sur les femmes est motivé par la conviction que la transition verte en Afrique de l’Ouest ne saurait être pleinement accomplie sans la participation active des femmes, tant en milieu rural que urbain. Les femmes, notamment celles vivant dans les communautés les plus vulnérables, subissent de manière disproportionnée les effets du changement climatique, ce qui fait de leur implication dans les initiatives de résilience climatique et d’énergie verte non seulement une question de justice sociale, mais également une exigence pratique.

Champ d‘application


La note de synthèse porte sur l’Afrique de l’Ouest, une région où les défis socio-économiques et les opportunités pour l’autonomisation économique des femmes dans le cadre de la transition verte sont particulièrement marqués. Sur le plan thématique, la note analyse le rôle des femmes dans l’économie verte à travers divers secteurs, notamment les énergies renouvelables et l’agriculture durable.


Elle aborde également les défis historiques, tels que les inégalités entre les hommes et les femmes en matière d’accès à l’éducation, à la terre et aux ressources financières, tout en mettant en lumière les possibilités de réformes politiques, d’investissements dans le développement des compétences des femmes et des initiatives qui intègrent l’égalité des sexes aux objectifs de développement durable. En replaçant la transition verte dans le contexte plus large des défis socio-économiques et environnementaux de l’Afrique de l’Ouest, cette note de synthèse offrira un aperçu concret de la manière dont l’égalité des sexes peut devenir un catalyseur pour un avenir plus inclusif et durable dans la région. Enfin, elle proposera des recommandations à l’intention des décideurs politiques, des agences de développement et des dirigeants communautaires sur la meilleure façon d’intégrer l’égalité des sexes dans les stratégies de transition écologique, en veillant à ce que les femmes ne soient pas seulement des bénéficiaires, mais aussi des actrices clés du développement durable.

Source: Rapport de synthèse_Les femmes et la transition verte en Afrique de l’Ouest _ Lien: https://idl-bnc-idrc.dspacedirect.org/items/99faf3ef-8380-49c5-990c-b68e9a886bf8